Pourquoi manger du homard a été un signe de pauvreté ?
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Pendant des siècles, le homard n’a pas été ce mets raffiné qu’on savoure aujourd’hui dans les restaurants étoilés. Bien au contraire : il fut longtemps considéré comme le “poulet du pauvre”, un aliment de misère réservé aux marginaux, aux prisonniers et aux domestiques. L’histoire de ce renversement de prestige est à la fois sociale, économique et culturelle.Au XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècle, sur les côtes d’Europe comme d’Amérique du Nord, le homard abondait. Tellement abondait, en réalité, qu’il s’échouait parfois en masse sur les plages après les tempêtes. En Nouvelle-Angleterre, certaines villes de pêcheurs voyaient ces crustacés s’entasser par milliers dans les filets. Ils étaient si nombreux qu’on les utilisait comme engrais pour les champs ou nourriture pour les cochons. Autant dire qu’ils n’avaient rien de rare ni de noble.Pour les colons et les populations pauvres, le homard représentait la solution facile : riche en protéines, gratuit, facile à pêcher. Dans les prisons du Massachusetts, les détenus s’en plaignaient ouvertement : certains règlements interdisaient même d’en servir plus de trois fois par semaine, tant les prisonniers s’en disaient écœurés. En Europe aussi, sur les côtes bretonnes ou irlandaises, le homard faisait partie de la ration des serviteurs ou des marins les plus modestes.Alors, que s’est-il passé pour qu’il devienne un produit de luxe ?Au XIXᵉ siècle, plusieurs changements s’opèrent. D’abord, le rail et la conservation permettent de transporter le homard vivant ou en conserve vers les grandes villes. Le crustacé devient exotique pour les citadins. Ensuite, la raréfaction naturelle due à la surpêche en fait un produit moins commun. Et surtout, la montée de la gastronomie française transforme son image : les grands chefs le cuisinent avec des sauces riches, des présentations spectaculaires, et le homard devient synonyme de raffinement.En quelques décennies, il passe du rôle de “nourriture du pauvre” à celui de “symbole du luxe”. Son prix grimpe, sa consommation se raréfie, et le regard social s’inverse totalement.Aujourd’hui encore, ce contraste fascine : un même animal qui, jadis, symbolisait la misère, incarne désormais l’élégance et la réussite. Manger du homard, c’est goûter à une ironie de l’histoire — celle d’un crustacé qui, sans changer de carapace, a changé de monde. Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.
